19 septembre 2011

Pauline Barotte et la fille Krieg

En faisant des recherches sur la ou les familles Barotte de Paris, je suis tombé sur deux articles du Figaro des 15 et 22 novembre 1882, parlant d'une affaire entre Mlle Pauline Barotte et Mlle Krieg et du suicide de Mlle Barotte.

Extrait du Figaro du 15/11/1882
Nos lecteurs doivent se rappeler le vol audacieux dont avait été victime, il y a quelque temps, le vénérable abbé Genest, vicaire de Saint-Germain-L’auxerrois.

Une femme, qui lui était inconnue, avait pénétré dans sa sacristie, sous prétexte de lui demander une messe, et avait volé une somme de 1650 francs déposée sur le bureau. Non contente de ce larcin, la voleuse avait adressé plusieurs lettres ironiques à l'abbé Genest. Ces jours derniers, cette femme, qui se nomme Krieg, était arrêtée. Une vieille fille, du nom de Pauline Barotte, vint joindre sa plainte à l'inculpation qui pesait contre la femme Krieg, en l'accusant de lui avoir volé plusieurs dessins de valeur, entre autres des aquarelles signées Géricault elle avait ainsi puissamment contribué à l'arrestation de la voleuse.

M. Kuehn, commissaire de police du quartier Saint-Germain-L’auxerrois, qui avait instruit cette affaire, recevait hier, vers quatre heures et demie du soir, par la poste, une lettre à son adresse, avec cette mention Personnelle, très urgente. La lettre était conçue en ces termes :

Paris, lundi soir, 13 novembre.
Monsieur le Commissaire,

A l'heure où vous recevrez cette lettre, je n'existerai plus. L'affaire de la fille Krieg n'aura été pour rien dans ma détermination j'espère que ma mort n'entravera en rien l'action de la justice contre cette fille,

Signé: Pauline Barotte.

P. S. Dans mon petit casier, on trouvera tous les renseignements désirables et les pièces nécessaires à M. Quentin, directeur de l'Assistance publique des enfants assistés.

M. Kuehn se rendit aussitôt à l'adresse indiquée. Là, la concierge lui déclara qu'au quatrième étage de sa maison, demeurait, en effet une personne du nom de Barotte, âgée de cinquante-huit ans environ elle avait vu sa locataire sortir vers midi et rentrer une heure après.

Le magistrat requit un serrurier et monta au quatrième étage la porte était fermée intérieurement et dut être crochetée.

Dans l'antichambre, on ne trouva rien.
Dans la seconde pièce, qui servait de salon-chambre à coucher, on découvrit le cadavre de Mlle Barotte elle était étendue sur le parquet, la face contre terre, les bras repliés contre le corps.

Cette malheureuse s'était enfoncé jusqu'à la garde, dans la région du cœur, un couteau de cuisine, dont la lame mesurait 15 centimètres de longueur. Le corps était encore chaud ; aucune trace de sang n'apparaissait sur les vêtements l'hémorragie était restée interne et avait étouffé la victime.

Pour mettre son sinistre projet à exécution, Mlle Barotte avait fixé son couteau sur le plancher, la pointe en l'air, en ayant soin de maintenir le marche en l'entourant d'un tampon de ouate puis, s'étant mise à genoux, elle s'était jetée sur la pointe de cette arme. La mort avait été instantanée.

Mlle Barotte, ainsi que l'indiquent de nombreux écrits, des tubes de couleurs, des toiles commencées, trouvés dans le logement, s'occupait de poésie et de peinture.

Son appartement, composé de trois pièces et d'une cuisine donnant sur la rue Guénégaud, bien que pauvrement meublé, conservait quelques épaves d'une splendeur passée fauteuils Louis XIV en bois sculpté et doré, plusieurs beaux bronzes, etc.

On a trouvé un papier par lequel elle lègue à l'Assistance publique tout ce qu'elle possède et demande à être enterrée dans la fosse commune.

Dans une lettre adressée à M. Kuehn, elle lègue à ce magistrat les dessins de prix que lui a, dit-elle, volés la fille Krieg, si toutefois ce magistrat parvient à les retrouver.

Extrait du Figaro du 22/11/1882
On n'a pas oublié l'étrange et tragique suicide que nous racontions dans notre numéro du 15 courant. Une vieille fille, Mlle Pauline Barotte, demeurant rue Guénégaud, avait fixé un couteau dans le plancher de sa chambre à coucher, et s'était jetée dessus. On l'avait ainsi trouvée clouée au sol.

Dans une lettre, Mlle Barotte rappelait une plainte portée contre une demoiselle Krieg, accusée du vol commis au préjudice de M. l'abbé Genest, curé de Saint-Germain-l'Auxerrois, et recommandait do ne pas oublier cette affaire.

Or l'enquête faite sur Mlle Krieg a démontré que cette demoiselle était absolument innocente. Par un hasard assez curieux, Mlle Eugénie Krieg, qui est organiste et va souvent tenir l'orgue dans les églises ou les communautés religieuses, n'est jamais allée à Saint-Germain-l'Auxerrois, et le vénérable abbé Genest n'a fait aucune difficulté pour déclarer non seulement qu'il ne la reconnaissait pas pour sa voleuse, mais encore qu'il ne l'avait jamais vue. Les renseignements pris sur elle, sur ses antécédents, sur sa vie actuelle, étaient d'ailleurs excellents et eussent levé tous les doutes, s'il en fût resté.

Mais en même temps ce suicide a jeté un jour sur l'accusation portée contre Mlle Krieg. Elle avait connu, en effet, il y a quelques années, Mlle Barotte. Elles avaient été assez liées ensemble et s'étaient séparées fâchées. Mlle Barotte, dominée un peu par la manie de la persécution, avait, il y a quelques jours, proféré des menaces contre Mlle Krieg. Il est donc très probable que c'est elle qui, pour se venger, l'avait dénoncée ou tout au moins désignée à la justice, et que c'est à la suite de cette vengeance qu'elle s'est tuée. Quoi qu'il en soit, il reste une chose a constater, c'est que Mlle Eugénie Krieg est sortie de là parfaitement justifiée et que son honorabilité est hors de doute. Nous sommes heureux d'avoir à le constater.

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